L’apparition de la porcelaine, puis la Révolution portèrent un coup sévère à la fabrication de la faïence. Il y avait 20 peintres en 1789, il n’en reste plus que 4 en 1830.
Pour survivre, les faïenciers varageois se consacrent de plus en plus à la faïence stannifère blanche.
Il ne faut pas croire qu’il s’agissait d’une faïence grossière. La faïence dite « commune » était moulée dans les mêmes moules, par les mêmes tourneurs et avec la même argile colorée recouverte d’émail blanc. Mais elle n’était pas décorée et coûtait donc beaucoup moins cher. On produisait une grande variété de faïence utilitaire.
Sous l’empire, on produit peu de faïences décorées à Varages, mais celle que nous connaissons sont de qualité, et intéressantes, soit par l’originalité de la décoration, soit comme témoin des goûts du temps.
Après la tourmente révolutionnaire s’établit en France, pendant la première moitié du XIX ème siècle, une ère de stabilité politique et économique. Il règne une certaine aisance. Les affaires se présentent bien pour les 6 faïenceries, le village s’embellit.
François Dedieu, avocat à la cour d’Aix, vend tous ses biens et consacre cet argent à l’agrandissement de l’église de 3 nefs en avant de la façade.
Les maîtres faïenciers financèrent alors, l’autel de Saint Claude, patron des tourneurs, devenu celui des faïenciers. Le tableau représente le Saint, mitre en tête, crosse à la main, bénissant une fabrique monastique. Les deux fûts cylindriques en faïence blanche encadrant le tableau, sont des pièces uniques et classées.
paire de Vase, signée Louis NIEL réalisée dans la fabrique des aires "lancienne" à Varages, milieu 19ème siècle
Avec les années, les peintures formées avant 1789 disparaissent ; les décors se simplifient. On réalise des assiettes « à bord jaune » et « à bord bleu », simple filet qui accompagne l’extrémité du marli avec au centre une petite fleur stylisée encore peinte à la main qui sera progressivement remplacée par une « vignette » motif de décoration simplement appliqué au pochoir.
La production devient utilitaire, mais cette production où la recherche artistique est pratiquement bannie se vend bien moins chère. Cela atteint maintenant une large couche de la population ; en Provence et Languedoc. C’est pour Varages de 1816 à 1848 une période de prospérité.
Mais voilà à partir de 1850 les chemins de fer vont étendre jusqu’au midi leur toile d’araignée. Grâce à eux se déversent en Avignon, à Marseille, à Toulon et de là un peu partout, des produits nouveaux, appelés « faïence fine », de qualité et bon marché fabriqués dans les usines du Nord et de l’Est de la France.
La disparition de la foire de Beaucaire, haut lieu du commerce provençal, porte un coup dur à Varages. Balayés par la concurrence, les fabriques du Midi durent éteindre leurs fours. L’une après l’autre, Moustiers compris, les fabriques ferment leurs portes. Pour survivre il fallait abandonner les techniques traditionnelles, l’emploi des argiles locales et des émaux stannifères ainsi que la peinture sur émail. C’est ce que l’on fit à Varages.

Vers 1850, Gustave Pascal est le premier faïencier à passer à la « faïence fine ». Il fait venir de la terre d’Uzès, dans le Gard, dont la particularité est d’être blanche. Il y ajoute des pierres de chaux, du sable (silice) et porte la cuisson de son biscuit à plus de 1000°C. le décor s’applique directement sur le biscuit, il peut être réalisé aussi bien au pinceau, au pochoir, ou au tampon. Ensuite la pièce est recouverte d’un émail transparent appelé aussi « couverte » ou « vernis ».
Les Niel, les Guion, puis enfin, en 1864, les Bertrand, adoptent la faïence fine. Après la guerre de 1870, il n’y a plus que 5 fabriques dans le village.

Maire de Varages pendant trente ans, Louis Niel eut un rôle très important dans la vie économique en favorisant le transport, la commercialisation et la promotion de la faïence fine. Il n’hésite pas à la qualifier de « porcelaine opaque », opaque surfine », « demi porcelaine », et à mentionner les diverses médailles obtenues.
Etienne Bayol, opposé politiquement et concurrent de Louis Niel, créa la première fabrique en association « Bayol et compagnie ». Maire de Varages en 1876, il fut élu sénateur du Var en 1896.
Vers 1890, le premier train de la compagnie du Sud relie Draguignan à Meyrargues en passant par Barjols et Varages. Des peintres talentueux décorent dans diverses fabriques. Léon Mazières originaire de Limoges, travaille pour Louis Niel. Sur cette fontaine, il reproduit la sainte Baume, emblème du comité des chemins de fer, présidé par L.Niel, qui milite pour l’extension du réseau ferré vers Saint Maximin et le Haut Var. Joseph Tholosan venu de Moustiers, décore sur commande chez Louis Niel ou Etienne Bertrand, ses décors sont riches et variés.
Gabriel Portanier, d’abord peintre animalier, se spécialise encore dans les heures de l’histoire nationale, comme dans des scènes de la vie varageoise.
Hippolyte Roux dit « le barbu » décore de belles pièces telles cette cruche à lait à la façon de Saint Porchaire, le plus souvent pour l’amour de l’art.
Bien qu’ayant évolué, la production faïencière de cette fin du XIXème est essentiellement artisanale, en l’absence de machine. Elle est très abondante, variée, originale parce que chaque artisan y a laissé son empreinte personnelle. A Varages, les faïences sont partout : objets utilitaires ou éléments de décoration, elles sont les témoins des goûts de l’époque, des coutumes, des évènements.