Les faïenciers ont travaillé pendant les règnes successifs des rois, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI. Cela explique les formes et les décors correspondant aux goûts des différentes époques.
Grâce à louis XIV la faïence se développe et devient à la mode. En effet pour financer ses guerres il publie 3 édits « somptuaires » de 1689 à 1709 ; Toute la vaisselle d’or et d’argent sera fondue pour en faire de la monnaie.
La faïence remplacera cette vaisselle en s’inspirant des formes de l’argenterie comme modèle. Pour les décors on s’inspire des dessins très à la mode de l’ornemaniste Jean Berain. Les générations changent, les décors évoluent.
La décoration des pièces se fait au "grand feu" : L'artiste décor au pinceau sur l'émail cru, les retouches sont quasiment impossibles, ce qui nécessite de la part du peintre une grande dextérité.
Les réalisations sont exclusivement en camaïeu bleu, puis l’ocre apparaît en petite touches comme sur les carreaux reprenant le blason de Jean Pelissier avocat en la cour, riche bourgeois de Varages, et de son épouse, Marguerite Allemand. Jean Pelissier propriétaire de la demeure qui abrite aujourd’hui le musée des faïences de Varages.

Ces quatre carreaux proviennent d’une des pièces de la demeure et portent leurs armes.
Jean Pellessier fait construire dans sa bastide de Pallières une fabrique. Il la loua à Joseph Frapat, premier apprenti d’Etienne Armand, de 1704 à 1706.
Etienne Armand et Joseph II Clérissy travailleront à Varages puis à Saint Jean du Désert, qu’ils fuiront en 1720, année de la Grande Peste, pour s’installer définitivement à Varages.
Joseph II ne quittera plus Varages, jusqu’à sa mort en 1758, à 83 ans, après avoir formé son fils Antoine. Il travailla aussi avec son frère, Jean-Baptiste, qui avait appris le métier ; et qui transmit son savoir, à nombre d’apprentis varageois. La fabrique des Clerissy fermera définitivement ses portes en 1791
Jean Bernard, neveu d’Etienne Armand, fuyant lui aussi Marseille (où il fit son apprentissage) et la peste, inaugure à Varages la fabrique Saint jean, en 1723, sur les ruines de la chapelle de l’ancien prieuré.
De cette époque date la multiplication des faïenceries varageoise (2 en 1725, 4 en 1750 et 8 à la révolution).
A partir de 1740, le polychrome se développe; témoin le décor fleurettes sur cette boite à poudre, malheureusement sans couvercle, portant la signature, précise : « P. lesas 1746 a varages le 7ème may ». Collection privée.
Les peintres de Varages ont aussi pratiqué les grotesques polychromes ; la preuve en cette écuelle à couvercle signée « François Agnel 1764 le 11 décembre ». Collection Musée des Faiences de Varages
Puis la porcelaine révolutionne les arts décoratifs, pour faire face à cette concurrence, les faïenciers adaptent la technique de la décoration de la porcelaine à la faïence : « le petit feu ».
Venus de l’Est de la France, des faïenciers du nom de Mielle, Grodidier, Essig apportent, dans les années 1770 cette technique à Varages. Le peintre réalise son décor sur un émail blanc déjà cuit. La pièce décorée subit une troisième cuisson, à une température, moindre, vers 750°C, l’émail s’amollit et les couleurs se vitrifient en surface.
Ce qui explique le léger relief du décor que l’on peut distinguer sur les pièces. Cette technique de « petit feu » permet de développer la palette de couleurs. Le rose, jusqu’alors inexistant, se décline jusqu’au pourpre. Les verts sont, eux, plus nuancés et plus foncés qu’avec la technique de « grand feu ».
En 1778, Nicolas Grodidier natif de Badonviller, arrive à Varages. Une assiette au décor floral, signée de sa main rappelle le style des faïences que l’on attribue souvent à Strasbourg à la famille Hannong, à Marseille ou à Moustiers avec les frères Ferrat.
La boite de mariage, attribuée à Etienne Valentin Bertrand, montre le style et le goût de l’époque.
Pendant cette période les faïenciers continueront de décorés avec la technique du "Grand feu" utilisée depuis le début des faïences à Varages. Les décors évoluent, les pièces contournées de jaunes sont en très grand nombre.
La faïence à fond jaune est très décorative. On l’attribue souvent à Montpellier ; les décors, des roses bleues, sont appliqués sur un émail coloré.
Les recherches entreprises à la fabrique de Saint Jean et ses abords permettent d’affirmer qu’on a produit de telles faïences à Varages, et ce jusqu’à la période napoléonienne. Elles précisent, également que les marchandises étaient expédiées en caisses chargées sur des mulets et acheminées à Montpellier où elles étaient vendues à deux marchands d’un comptoir génois. On se souvient de Montpellier ; on a oublié Varages.